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Imprimer le texteLe petit prince qui ne parlait plus
II - Une cérémonie mouvementée
Et le petit Prince ne parlait déjà plus - et là on peut en être certain car il y eut une multitude de témoins ce jour-là - lors de la cérémonie de mariage de Mademoiselle, soeur du Roi.
A cette occasion en effet, le petit Prince devait faire le discours de clôture. Pour déclamer, il avait monté fièrement les cinquante marches de l'escalier menant au trône, s'était emparé du sceptre royal et, flanqué d'un côté par le Ministre du Protocole et de l'autre par le Grand Chambellan - celui-là même qui dort le nez en l'air à l'heure actuelle -, s'était tourné vers les futurs mariés agenouillés devant lui, et la foule des courtisans massés en bas du majestueux escalier.
Son discours, qu'il répétait depuis plus d'un mois, devait être le suivant :
"En ce jour de liesse et de fraternité, nous, Prince du Royaume, sommes heureux de déclarer Mademoiselle, soeur aînée de notre bien-aimé souverain, unie à Monsieur, Prince du peuple Nain de la forêt Immense. Que les dieux bénissent cette union et que la fête commence ! ".
Mais voilà le petit Prince était resté muet, il n'avait pas prononcé un seul mot. Il était resté là, droit comme un I, regardant la mer de courtisans à ses pieds, puis s'était retourné vers le Roi son père, lui avait rendu son sceptre. Et la tête basse, il avait redescendu les cinquante marches, traversé la foule muette de stupeur qui s'ouvrait devant lui, et était monté directement dans sa chambre.
La cérémonie a été annulée évidemment. Mademoiselle, soeur du Roi a piqué une colère monstre, tempêtant, criant, se roulant par terre - alors que le Prince des Nains quittait la salle de cérémonie - proférant des menaces et accusant le petit Prince de l'avoir fait exprès et d'être responsable de tous les malheurs à venir dans le royaume.
Ces événements se sont déroulés voilà dix jours maintenant ; le petit Prince est toujours enfermé dans sa chambre et n'a toujours pas prononcé un mot.
Depuis ce jour-là tout le monde dans le palais s'interroge sur le silence du petit Prince. Et voilà pourquoi le Grand Chambellan est là à dormir le nez en l'air.
Texte : 1998 © M.-H. Lafond