Nouveautés |
|
J'aime
|
|
CristalPendant ce temps, une toute petite goutte s'est approchée des trois copines et a suivi la conversation avec grand intérêt. - Bonjour, je m'appelle Gouttelette. Je suis nouvelle ici. J'ai entendu par hasard la fin de votre conversation. De quoi parliez-vous ? Les trois amies se poussent un peu pour laisser de la place à la petite goutte d'eau. - Moi je m'appelle Ondine, elle c'est Limpide. Et voici Cristal. - Depuis quand es-tu là ? demande Cristal. Gouttelette adresse un sourire à chacune : - Je viens directement du barrage. Je suis née avec la dernière pluie de l'hiver. Le voyage a été long pour arriver jusqu'ici, dans les canalisations, et cela fait maintenant un jour entier que j'y circule. Mais je ne connais personne. Je peux rester avec vous ? - Bien sûr. Nous, cela fait plusieurs semaines qu'on fait le circuit entre les robinets et la tuyauterie. Je ne sais pas encore combien de temps cela durera, mais en tout cas, moi je m'amuse bien. - N'écoute pas Cristal. Elle est un peu folle. - Pourquoi ? - Parce que vois-tu, quand tu es dans une canalisation, tôt ou tard tu passes par un robinet. C'est un long tube qui monte et qui est fermé par une porte et derrière cette porte, il y a une grille à travers laquelle il faut que tu te faufiles. Parfois, et même trop souvent à mon gré, tu restes coincée à la porte dans un robinet. Avec un peu de chance, tu passes rapidement avec le reste de l'eau à l'ouverture suivante. Mais parfois, tu restes coincée entre porte et la grille et tu peux attendre longtemps avant de pouvoir descendre. - J'ai même entendu dire, qu'il y en a qui sont restées coincées tellement longtemps entre la porte et la grille, qu'elles ont séché ! ajoute Limpide. - Les pauvres ! - D'autre fois, continue Cristal, tu fais partie des dernières gouttes à passer juste après fermeture de la porte et tu as assez de force pour passer la grille. Et alors là, l'aventure commence. Tu glisses lentement jusqu'au bord du robinet. Tu y restes accrochée le plus longtemps possible, et tu te lâches. - Oh ! s'exclame Gouttelette, impressionnée. - Tu tombes, tu tombes. Tu as l'impression que ça n'en finit plus. Puis tu te poses sur le lavabo. - Moi je dirais plutôt que tu t'écrases sur le lavabo ! - C'est vrai, parfois l'atterrissage est un peu rude, concède Cristal. - Et que se passe-t-il ensuite ? - Et bien tu glisses jusqu'à la bouche d'évacuation, et tu tombes dans un tuyau tout noir et enfin tu plonges au milieu de l'eau qui coule dans la canalisation en bas, comme ici. - Comment peut-on aimer tomber tout le temps ? Moi je n'aime pas ça, dit Ondine. Et chaque goutte d'eau, qui se respecte, n'aime pas ça ! - Moi je crois que ça va me plaire, réplique Gouttelette enthousiaste. - En plus, tu tombes parfois dans un lavabo ou un évier tout sale. Et il te faut te frayer un chemin au milieu de la crasse, surenchérit Limpide. - Alors tu me raconteras ça le jour où cela t'arrivera. Je crois que tu auras changé d'avis. Texte : 1996 © M.-H. Lafond |
|
Copyright © 2006, © 2013 - La tête dans les mots |