Nouveautés

carre gris Le fabuleux voyage de Tromblon

carre gris Blanche et la dragonne

carre gris Melvin

carre gris Le roi sans couronne

J'aime

Recommander à un ami Recommander à un ami


Pour recommander ce texte, merci de compléter ce formulaire.
Tous les champs sont obligatoires









Outils

La vieille dame et la petite souris

I


C’est la fin de l’après-midi. Quelque part, un merle lance son dernier trille. Une reinette lui répond. Une légère brise fait tournoyer les feuilles dans le jardin.
Seule, assise dans son fauteuil à côté de la fenêtre, une vieille dame, profitant des derniers rayons de soleil, feuillette un album de photos. Dans quelques minutes, il fera trop sombre.
Au fil des pages, elle rembobine lentement le film de sa vie. Sur l’une des photos, son mari et son fils réparent la voiture. Sur celle-ci, elle serre son petit garçon pour la première fois dans ses bras. Sur celle-là, elle est une petite fille et construit un château de sable avec sa mère ; au loin, son frère se baigne avec ses cousins.
Alors, elle pose l’album sur ses genoux, ferme les yeux. Une petite larme se forme au coin de son l’œil.

Seule, assise sur un rocher, la petite souris regarde tout autour d’elle, avec détresse : elle est perdue.
Il n’y a pas si longtemps encore, elle était heureuse. Elle avait un toit, un nid douillet et à manger à volonté. Bien sûr, régulièrement elle devait effectuer des exercices comme retrouver son chemin dans un labyrinthe, trouver des objets, surmonter des obstacles. C’était souvent difficile et fatigant, mais lorsqu’elle avait réussi l’exercice, elle était récompensée. C’était la belle vie.
Mais voici trois jours, tout a changé. Des étrangers sont venus et ont tout emporté. Et dans la confusion, ils l’ont oubliée. Elle a attendu toute la journée qu’ils viennent la chercher. Mais ils ne sont pas venus.
Alors, la petite souris s’est dit qu’il devrait être facile de retrouver le gentil monsieur. Mais dehors c’était bien différent de ce qu’elle avait imaginé : il a fallu éviter les pieds des gens qui marchaient sur le trottoir, puis les roues des voitures sur la route. Et puis il y a eu la rencontre avec deux chats au coin d’une rue. Elle s’est rendu compte que la vie dehors n’était pas aussi facile.
Et après bien des kilomètres et bien des pièges évités, elle est enfin sortie de la ville. Maintenant la nuit tombe. Devant elle, s’étend un immense champ de blé. Où va-t-elle passer la nuit ?

Lentement, la vieille dame se lève de son fauteuil. La nuit est là et il faut qu’elle se prépare à manger. Elle n’a pas grand faim ces derniers temps. Ce n’est pas gai de manger toute seule. Mais elle refuse de se laisser aller. Tous les jours, elle dresse son couvert, met un bouquet de fleurs sur la table. Le midi, elle se prépare une assiette de crudités, se fait cuire un morceau de viande ou de poisson. Le soir, elle se contente d’un bol de soupe et d’un morceau de fromage.
Pour avoir de la compagnie, elle écoute la radio. Enfin, elle ne l’écoute pas vraiment, mais cela lui donne l’impression qu’il y a de la vie dans sa maison.

En se dressant sur ses pattes arrière, la petite souris peut apercevoir au loin, à côté d’un vieux chêne, une drôle de construction. Différente des bâtiments qu’elle a traversés en ville, elle est beaucoup plus petite et isolée. Prenant son courage à deux pattes, elle descend de son rocher et décide d’aller voir de plus près. La route sera longue et sûrement difficile, mais cela ne lui fait pas peur. Elle se dit que ce sera comme quand elle traversait les labyrinthes.
Il fait nuit noire quand elle arrive enfin à destination. Elle se trouve devant une drôle de maison blanche toute biscornue. Une fenêtre est allumée. Sous la véranda, une balancelle bouge au gré du vent. Un peu plus loin, il y a une niche. La petite souris s’approche prudemment de celle-ci et vérifie si l’endroit est libre. Elle entre dans la niche, renifle un peu partout. Cela fait bien longtemps qu’il y a eu un locataire ici. Tant mieux, ce sera un excellent abri pour cette nuit.
Elle ressort et cherche de quoi se confectionner un petit nid douillet. Une fois son travail terminé, elle s’installe pour y passer une nuit paisible. Et la fatigue aidant elle ne tarde pas à s’assoupir.
Une heure plus tard, elle se réveille : elle a faim. Tout à l’heure, elle était trop épuisée pour y penser. Mais maintenant qu’elle a pris un peu de repos, son estomac gargouille.
Prudemment, elle sort le bout de son museau et jette un œil alentour, s’assure que la voie est libre puis elle se décide à sortir de la niche. Hardiment, elle s’avance vers la maison et escalade les marches du perron. Elle cherche dans le noir une ouverture, qu’elle trouve finalement près de la porte d’entrée.
À l’intérieur, tout est noir. La petite souris furète un peu partout, relève toutes les odeurs. Puis elle se dirige vers la seule pièce de la maison qui est éclairée. De là lui parviennent de délicieuses odeurs.
Prudemment, elle s’avance, rasant les murs. Elle passe son petit museau blanc par l’entrebâillement de la porte. Au début, la lumière éclatante l’aveugle, puis enfin elle distingue une table avec une chaise à chaque bout. Dans un coin se trouvent un vieux vaisselier et un réfrigérateur. Contre le mur de l’autre côté, il y a la cuisinière. Et devant la cuisinière, une vieille dame s’active.
Toute contente, la petite souris s’approche sans méfiance. Malgré toutes ses mésaventures, elle n’a toujours pas peur des humains. Elle a toujours vécu parmi eux et aucun ne lui a fait de mal.

Soudain, la vieille dame se retourne et aperçoit l’animal. Elle sursaute de stupeur, et se précipite vers le balai.
« - Ah non ! Pas de souris dans ma maison !» s’écrie-t-elle.
Et à grands coups, elle tente de chasser l’intruse vers la sortie.
La petite souris se faufile sous le vaisselier. La vieille dame patiente un certain temps, le balai toujours en main, mais ne la voyant pas ressortir, elle abandonne et retourne à son diner en soupirant.

La petite souris a du mal à comprendre ce qui vient de se passer. Pourquoi la vieille dame la chasse-t-elle ? Elle n’a rien fait de mal.
Discrètement, la petite souris réussit à sortir de la maison. Dehors elle trouve de quoi grignoter et cela lui suffit. Rassasiée, elle s’arrête au milieu du jardin et observe la vieille dame au travers de la fenêtre. Leurs regards se croisent. Puis elle va se coucher dans la niche qui lui sert de maison.


Copyright © 2006, © 2013 - La tête dans les mots