II
Comme tous les soirs, depuis une semaine, la vieille dame regarde par la fenêtre. Oui, la petite souris est encore là, assise sur son derrière à contempler la maison.
Dans sa jeunesse, la vieille dame entendait souvent sa mère la mettre en garde contre les souris « Si tu veux bien tenir ta maison, sache qu’il te faut chasser les souris : ça mange tout, ça fait des trous partout, ça salit tout et ça amène même des maladies ».
Pendant quelques années, la vieille dame a eu un chat. Mais cela fait bien longtemps qu’il est mort maintenant. Et depuis elle n’en a pas eu d’autres.
Et voilà que maintenant, une souris fait son apparition. C’est bien sa veine.
A la même heure que la veille, elle regarde par la fenêtre : la souris blanche est toujours là, à observer la maison.
La vieille dame est de plus en plus intriguée. Que peut bien vouloir cette petite souris ? Blanche de surcroît. Elle ne veut pas se l’avouer, mais elle commence à s’habituer à sa présence. Ça lui fait une distraction : elle est si seule depuis si longtemps.
Hier soir, elle s’est décidée à déposer sur le pas de la porte un petit bout de fromage. Les souris aiment le fromage c’est bien connu. Puis elle s’est placée à la fenêtre de la cuisine. Un moment après, la petite souris blanche s’est approchée de l’assiette, a reniflé le morceau de fromage, en a fait le tour, s’est arrêtée. Ensuite, elle s’est dirigée vers la fenêtre de la cuisine, a levé son petit museau et tout à coup a tourné en rond sur place trois fois de suite avant de se saisir du morceau de gruyère et de rentrer à la niche. La souris lui aurait-elle dit merci ? Non ce n’est pas possible !
Ce soir, la vieille dame recommence l’opération. Cette fois, la petite souris est assise en face de la maison et attend. La vieille dame pose l’assiette contenant divers reliefs de son repas et va s’asseoir sur la balancelle un peu plus loin. L‘animal, comme la veille, s’approche, renifle le contenu de l’assiette, tourne en rond trois fois de suite, repart vers son repas, grignote quelques morceaux de carotte, prend le pain et rentre dans la niche. Juste avant de disparaître, la petite souris se retourne et semble sourire.
Depuis quelques jours la petite souris a le droit de rentrer dans la maison à l’heure du repas. La vieille dame lui prépare quelques menus morceaux dans une assiette placée à côté de la porte. Bien sûr, la petite souris n’a pas le droit d’aller plus loin, ni de rester dans la maison. La vieille dame le lui a fait comprendre. Et au fil des jours, une certaine complicité s’est établie entre elles.
Ce soir, Émilie - c’est le nom de la vieille dame - est assise à la table. Elle a beaucoup de papiers devant elle. Elle n’a pas préparé le repas. La petite souris s’avance un peu. Émilie ne bouge pas. Elle s’avance alors un peu plus et se place juste à côté de sa chaise. La vieille dame soupire :
« - Ah ! Toute cette paperasse, quelle perte de temps ! Tu as de la chance toi de ne pas avoir de papiers à remplir ».
Une feuille s’envole et glisse sous le bahut. La vieille dame se lève péniblement.
« - Il ne manquait plus que cela, s’exclame-t-elle, comment vais-je faire pour la récupérer maintenant ? »
La petite souris, qui observe attentivement la scène, réalise que la vieille dame ne peut pas récupérer la feuille ; elle se met alors à tourner en rond pour attirer l’attention. Émilie s’arrête, l’observe, mais ne comprend pas :
« - Écoute ce n’est pas le moment de réclamer à manger ! » lui dit-elle avec humeur.
La petite souris insiste, tourne de nouveau en rond devant elle et tout à coup se glisse sous le meuble et ressort à reculons en tenant la feuille dans sa petite gueule. Pour la remercier, la vieille dame heureuse lui prépare ce soir-là un véritable festin.